La Cité de Lua Eyael ne manque jamais une occasion de faire battre la ville au rythme des chants et des danses traditionnels, comme pour remplir ce vide que creuse la discrétion à laquelle ils sont contraints en dehors des murs de la Capitale, comme pour crier à la face du monde qu’ils sont vivants et que leur cœur aspire à la fête derrière le masque de l’amertume. Aucun sentiment ne mérite mieux d’être célébrer que l’amour. Ainsi, le jour de l’union de deux Rehlas, les invités font retentir à travers les rues des musiques vives et entrainantes. Ils abandonnent leur éternelle retenue pour magnifier la journée qui engage un lien tellement puissant entre deux amants.

La coutume veut que les préparatifs commencent au début de l’après-midi, une fois que l’Astre du Jour décroit de son zénith. Les promis sont amenés séparément aux rives du fleuve sacré, accompagnés par leur cortège respectif composé des demoiselles d’honneurs, des témoins ainsi que des parents. Vêtus d’une toge grise, les futurs se baignent dans les eaux froides et claires de Dyel où ils se purifient et méditent avant la cérémonie, aidés par leur suite. Une fois sortis, le corps des fiancés est enduit d’une poudre teintée – argentée pour la femme et dorée pour l’homme - qui laisse la peau légèrement colorée et scintillante. Cette poudre, appelée la Nebesa est obtenue par le mélange, notamment, d’huiles essentielles, de poussière d’Etoiles et de pierres précieuses réduites très finement. Ils s’habillent et se parent de bijoux jusqu’au crépuscule où ils entament une longue marche jusqu’à la Place des Astres. Illuminée de mille et une flammes et d’un grand feu, ils seront attendus par le Prêtre ou la Prêtresse de leur choix. Avant le moindre mot de leur part ou de celle du religieux, ils déverseront ensemble une poignée de poussière d’Etoiles dans le brasier, qui prendra des nuances blanches et éclatantes. Selon les croyances populaires, plus les flammes sont grandes et immaculées, plus l’amour qui unit les époux est puissant et sincère. Les mariés sont alors invités à lire dans la fournaise, main dans la main, pour voir les formes qui se dessineront. Ces présages célestes ne peuvent être perçus que par les amants, qui seuls peuvent les interpréter. Ensuite, ils boiront une gorgée de vin produit sur les Plaines Rouges, dans une coupe en argent, qui circulera ensuite dans les deux cortèges pour que ceux-ci puissent également boire. Le Prêtre recouvre enfin les nouveaux époux d’un voile unique, fait dans une étoffe précieuse au bleu sombre et profond, orné d’une myriade de pierres fines et précieuses sous un fils en argent, comme une représentation imagée de la voûte céleste. Les mariés se jurent un amour éternel devant la Lune et ses Filles. Ce serment inviolable, cette promesse éternelle, permettra aux amants de ressentir les sentiments de l’autre et de connaitre son bien-être à chaque instant. Ils pourront aussi communiquer, malgré la distance, à travers les murmures des Etoiles qui, touchées par leurs vœux, se feront messagères. Nul anneau ne viendra sertir les annulaires du couple car à moins qu’ils ne désirent s’offrir un bijou – ce qui est plutôt rare – leur engagement sera symboliser par une marque sur leur nuque : le dessin léger et lumineux d’une constellation, métaphore de leur union, unique. Plusieurs époux peuvent avoir la même constellation mais elles seront toujours différentes, pour ne lier que deux individus.

La tenue traditionnelle des promis est confectionnée à partir d’un tissu semblable au voile dont le Prêtre les affuble. L’étoffe est fine, douce et scintillante. Incrustée de plusieurs centaines de fragments de pierres précieuses – les plus prisées étant les diamants et les saphirs – elle nimbe son porteur d’une aura tendre et miroitante. L’incontestable beauté du tissu n’est cependant pas ce qui rend le vêtement unique. Fruit d’un long travail acharné et imprégné de magie, il conte silencieusement des histoires grâce aux formes qui semblent lentement se mouvoir à chaque geste des époux. Brides de souvenirs, morceaux du passé, désirs pour l’avenir, les récits s’enchaînent et dépeignent des instants de vie, qui sont propres aux mariés. Ainsi, une tenue ne peut être portée que par une seule et unique personne, pour s’être abreuver de son existence et la raconter aux regards attentifs. Il est de coutume que la femme porte une longue robe bleue nuit ainsi qu’un bijou, neuf et offert par les parents et la famille de son promis, tandis que l’homme porte un costume blanc et arbore un vieil accessoire, légué par les parents et la famille de sa fiancée. Il arrive que les parties préfèrent porter une couleur qui les caractérise davantage mais la plupart préfère se plier à la tradition et revêtir les couleurs du ciel et de la Lune.